Roadblock (1951)
Réalisation : Harold Daniels / Production : Lewis J. Rachmil (RKO) / Scénario : Steve Fisher et George Bricker d'après une histoire de Richard Landau et Daniel Mainwaring / Image : Nicholas Musuraca /Musique : Paul Sawtell
Avec Charles McGraw (Joe Peters), Joan Dixon (Diane), Lowell Gilmore ( Kendall Webb), Louis Jean Heydt (Harry Miller), Milburn Stone (Egan)
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Après avoir mené à bien une mission à Cincinnati, Joe Peters, l'inspecteur d'une compagnie d'assurance, rentre à Los Angeles par avion. Il avait remarqué dans le hall de l'aéroport une jeune femme séduisante qui avait accroché son regard avant incompréhensiblement de l'ignorer. Une fois à bord, il se rend compte que la jeune femme s'est servi de lui pour obtenir une réduction sensible sur le prix du vol en se faisant passer pour sa femme. Un orage ayant obligé l'avion à faire une escale imprévue, ils sont contraint de partager la même chambre. Peters, immédiatement séduit par Diane, l'embrasse au petit matin mais la jeune femme exclu sans ambiguité la possibilité d'une liaison entre eux. Quelques temps plus tard, dans le cadre d'une enquête sur un vol de fourrures, Peters retrouve Diane chez le suspect de l'affaire, un truand notoire…Ils se revoient et une idylle commence entre eux.
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Harold qui ? Harold Daniels ! Vous ne connaissez pas et moi non plus. Au vu de son pedigree, je ne sais pas comment il a pu tourner ce film d'abord destiné à Don Siegel. Obscur acteur de complément, souvent même pas crédité, il avait aussi dirigé quelques films de 3ème ordre avant Roadblock et retournera ensuite à ses médiocres occupations. Cette petite série B sans stars, même si Charles McGraw s'était retrouvé au cours de cette très courte période 49/51, pour la 1ère et unique fois de sa carrière tête d'affiche de quelques films…et des films noirs (
The Threat,
Armored Car Robbery,
The Narrow Margin et donc
Roadblock) restera l'unique "titre de gloire" de Harold Daniels car la petite série B commence à voir sa réputation nettement grandir aux États-Unis depuis son édition DVD…Resterait à faire pareil en France. Pour le DVD, ne rêvons pas mais j'apporte ma pierre…
Je commence par les attraits périphériques. Visuellement, le film est superbe, les captures ne rendant que partiellement compte bien sûr du travail sur l'image du grand Nicholas Musuraca, directeur de la photographie mythique de la RKO ou il travailla à la "photogénie" des plus célèbres productions de Val Lewton, notamment sur
La féline puis entre autres sur un autre Tourneur
La griffe du passé, le film noir que je conserverais si par malheur je ne devais en garder qu'un. Ensuite toujours par la périphérie, le second attrait et bien justement ce sont les séquences de début et de fin. Les très malines séquences d'introduction nous plongent directement dans une atmosphère de pur film noir mais elles sont un leurre, un montage, une manipulation car le "vrai" film noir on ne l'aura que plus tard. Les séquences finales sont tout aussi remarquables. Il s'agit d'une longue course poursuite brillamment mise en scène, en partie tournée dans un endroit insolite parait-il inédit en 1951 mais qui depuis a beaucoup servi : le lit canalisé de la rivière de Los Angeles. (Je raconte en détail les formidables séquences d'ouverture mais en spoiler…)
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- Le film s'ouvre en effet sur un meurtre. On découvre Joe Peters abattant un homme en pleine rue, la victime venant s'écrouler sur le capot de la voiture d'un homme qui s'apprêtait à prendre le volant. Pris en otage par le tueur, l'homme prend peur et achète sa vie en révélant l'emplacement d'une cachette ou il a dissimulé une forte somme d'argent. Dans un cimetière, sous la dalle d'un caveau, il tente de saisir une arme mais est pris de vitesse par Peters et jeté à terre. En se relevant, il voit stupéfait la soit disant victime de Peters réapparaitre. C'est bien évidemment après cette séquence d'introduction que nous recevons les informations relatives au métier de Peters et de son collègue. Ce sont des détectives qui travaillent pour une compagnie d'assurance. En marge du travail de la police, ils tentent de retrouver les auteurs des vols perpétrés sur les clients de leur employeur.
L'argument est en revanche loin d'être inédit. Le type honnête, droit comme un piquet, qui voit sa vie chamboulée par la rencontre d'une femme fatale et qui va remettre en cause tous ses principes, allant jusqu'à se muer en voleur et en tueur pour la garder, c'était déjà du réchauffé en 1951. Celui dont il aura le plus à craindre, c'est d'ailleurs son collègue et ami resté honnête, la encore une figure que l'on avait déjà vue et que l'on reverra notamment dans une autre série B de valeur,
Le bouclier du crime dans lequel le flic incarné par Edmond O'Brien, tueur et voleur lui aussi mais pour accéder à un confort matériel modeste mais pourtant inaccessible, était confondu par son coéquipier. Dans Roadblock, si la plongée dans l'abime du personnage incarné formidablement par un McGraw plus subtil qu'à l'accoutumée, est une figure attendue ; la personnalité de la femme fatale est elle extrêmement singulière car la soi disant "femme fatale" que l'on commence par découvrir va se muer en femme sincèrement amoureuse d'un homme qui ne prendra jamais véritablement conscience de sa transformation ou trop tard pour revenir en arrière, les actes engagés étant trop graves pour rester sans conséquences. Peters va progressivement paniquer et c'est d'abord sa fébrilité inhabituelle puis une explosion de violence inédite qui va éveiller les soupçons sur l'insoupçonnable agent mais cette fébrilité n'est pas née de son passage du mauvais coté de la loi, elle était en lui, dans son incapacité à comprendre cette femme qui s'était sincèrement métamorphosée au contact d'un homme "décent" pour franciser une expression américaine maintes fois entendues dans le film noir.
On avait en effet découvert Diane en incarnation presque caricaturale de la femme fatale de film noir. Après leur rencontre qui s'était apparentée à une longue joute oratoire entre la séductrice et l'homme de marbre a qui on ne l'a fait pas, incarné d'ailleurs dans cette première partie par le Charles McGraw granitique et rugueux que l'on connait, Peters, qui avait néanmoins été séduit, avait retrouvé Diane au domicile de son petit ami soupçonné dans une affaire de vol de fourrures. Peters avait alors pu mesurer tout ce qui semblait le séparer de cette femme attirante, maitresse d'un truand notoire, vénale, menteuse et disant elle même trop aimer le vison pour se laisser séduire par un "sucker". L'affrontement avec le rigide Joe Peters est donc très rude durant les premiers temps de leur relation. Il va d'ailleurs rester sur cette image et croira que pour garder une telle femme, il doit changer de train de vie alors que dans le même temps, elle semblera avoir été réellement séduit par la droiture de cet homme et se montrera prête à changer de vie pour lui, commençant par rompre avec son amant. Le passage vers cette seconde Diane est marqué par une escapade hors de Los Angeles, une parenthèse idyllique qui ne durera pas...
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La qualité de l'interprétation et la beauté de "l'inconnue" Joan Dixon a été la révélation de cette seconde vision dans une copie décente. Elle a tourné dans une poignée de films essentiellement des westerns de 3ème division signés Lesley Selander ou Stuart Gilmore et je suis sidéré qu'un tel talent en soit resté à une carrière aussi rachitique. C'est une énigme...Charles McGraw, quant à lui, a été un bon second rôle du film noir puis occasionnellement un premier. On l'a découvert d'abord bien sur dans
Les tueurs puis dans de nombreux noirs de la rko, tournant dans de nombreux films des metteurs en scène maison, notamment Anthony Mann et Richard Fleischer. Si le premier, malgré 4 films, ne lui offrit jamais de premiers rôles même s'il se fit remarquer dans un rôle de tueur saisissant dans
La brigade du suicide (1949), le second lui permis de tenir le haut de l'affiche dans 2 de ses meilleurs films noirs, d'abord dans le très bon
Armored Car Robbery (1950) puis dans
L'énigme du Chicago Express (1952), encore meilleur que le précédent. Ce furent les sommets de sa carrière. Juste avant, il avait déjà été remarqué dans
The Threat (1949) un court film noir dans lequel il excellait dans un rôle de tueur psychopathe qui aurait pu échoir à Lawrence Tierney. Plus tard, il excellera dans le rôle d'un agent d'assurance buté dans
Loophole (1954) mais il était déjà relégué au second plan. ça n'ira pas en s'arrangeant même si entre deux télévisions, il se faisait encore remarquer de temps à autre sur le grand écran.
Pour une fois, j'attribue une note. Pas d'étoiles chez moi mais des glaçons. De 0 à 5 ??? Pour ma part, je mettrais bien 4 glaçons pour mon Daniels