Le cauchemar - Nightmare - 1956 - Maxwell Shane

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kiemavel1
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Le cauchemar - Nightmare - 1956 - Maxwell Shane

Message par kiemavel1 » 06 nov. 2016, 18:01

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Remake, par son metteur en scène, d'un film de 1947 : Fear in the Night (Angoisse dans la nuit). Presque tout ce qui provient de la première version est repris quasiment à l'identique dans le remake alors je ne rend compte que des différences notables entre les 2 films et renvoie le lecteur au texte présentant la 1ère version. Donc, pour le résumé, se référer à cette présentation. C'est ici : http://forum.cinefaniac.fr/viewtopic.ph ... 367#p35367
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Tout d'abord, il est très visible à l'écran que le budget alloué pour réaliser Nightmare devait être assez sensiblement supérieur à celui qui avait permis de réaliser Fear...et c'est ce qui a du motiver ce remake par Maxwell Shane de son propre film. Mais je précise d'emblée que ce film, à nouveau une production Pine-Thomas (c'était d'ailleurs le dernier film produit par William Pine, décédé prématurément en 1955) ne vaut pas la première, mais la différence est selon moi tout de même moins grande que ce qu'ont pu dire un certain nombre de commentateurs des 2 films.
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Certaines différences et certains ajouts trahissent plus particulièrement cette hausse du budget. Le casting tout d'abord. Edward G. Robinson et Kevin McCarthy, c'est assez nettement mieux sur le papier que la distribution précédente. Sur le papier seulement car Robinson dans son dernier véritable film noir fournit son minimum. Il joue sagement son rôle de policier sérieux et méthodique à priori plutôt bienveillant à l'égard du frère de sa femme mais qui deviendra vite soupçonneux après que le beau frère lui ait raconté son invraisemblable histoire ; puis surtout quand les apparences sembleront démontrer sa culpabilité. Son partenaire, Kevin McCarthy, n'était pas du même calibre mais il n'égale même pas ici l'interprétation de DeForest Kelley dont l'imitation de Peter Lorre pouvait sembler "borderline" mais elle collait très bien -y compris dans ses excès voir sa maladresse- au délirant film low cost de 1947.
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Ensuite, concernant le plateau, les lieux de tournage et l'atmosphère ; sur tous ces points la différence est colossale. Sur le remake, il y avait même un chef décorateur, c'est pour dire … Cela dit, si ce remake se justifiait pour le coté bien plus soignée de sa production, il perd beaucoup de ce qui faisait le charme de son modèle et perd son originalité en semblant vouloir coller à l'air du temps. Pour des raisons qui n'apportent strictement rien à l'intrigue, le film a été délocalisé en Louisiane. On se balade donc dans La Nouvelle Orleans et la campagne environnante mais en exagérant à peine je dirais que c'est de l'argent gaspillé pour peu de choses car la délocalisation sert surtout de prétexte pour greffer sur la trame du film original des ingrédients de film noir...ou plutôt le décorum du genre car ce ne sont que des pièces rapportées afin de coller aux lieux communs du genre à cette époque là.
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Ainsi Grayson, la victime du cauchemar, n'est plus le petit caissier d'une banque de quartier mais un saxophoniste de jazz et sa petite amie Gina est devenu chanteuse dans le même orchestre. Encore une fois, ce n'est qu'un prétexte mais un prétexte un peu encombrant pour ajouter des morceaux musicaux et des chansons (Gina chante à plusieurs reprises). Avant même la première séquence qui montre cet environnement professionnel, on est frappé immédiatement par une bande son "Made in film noir" mais si cette musique jazzy est très agréable, elle est aussi trop omniprésente…En dehors de la bande son "de fond" et des parties musicales joués par les principaux protagonistes, cette volonté de meubler au maximum l'espace sonore peut être illustrée par quelques séquences prises dans leurs continuités. A un moment, Grayson rentre dans un bar et commence à converser avec une jeune femme. Des plans de coupe nous montre le pianiste d'ambiance du lieu qui se démène. Puis Grayson lève la fille et la ramène chez elle. Ils traversent un parc et parviennent jusqu'à l'appartement…Toute cette séquence est accompagnée par la voix d'une femme invisible qui chante le Bluuuues fenêtres ouvertes, en faisant ainsi bénéficier tout le voisinage. Juste après, Grayson fait la tournée des boites de jazz de la Nelle Orleans pour savoir si quelqu'un saurait identifier le lieu insolite qui peuplait son cauchemar (ce qui est totalement gratuit et même absurde)…Bref, sur cet aspect, le seul lien bien rattaché à l'intrigue, c'est qu'une hallucination sonore ou plutôt une étrange musique qui trotte dans la tête de Grayson jusqu'à l'obsession semble avoir un lien avec son cauchemar et/ou le crime qu'il pourrait avoir commis mais cela fait peu …
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Pour résumer mon point de vue de manière concise : 70 minutes pour Fear contre 90 pour le remake ! OK mais le rab, c'est surtout du remplissage. Quelques plans étranges, quelques recherches visuelles n'étaient toutefois pas présentes dans Fear. Alors que l'orchestre l'attend, Grayson traumatisé par les images de son cauchemar, reste cloitré chez lui. L'ombre d'un ventilateur tourne au plafond juste au dessus de sa tête. Il se déplace et s'approche du téléphone, l'ombre se déplace aussi et forme un bandeau qui masque son regard. Il fait alors un malaise et semble tout près de s'évanouir. La caméra se met alors à tournoyer, le flou se fait et on enchaine avec l'image du cornet du chef d'orchestre en train de répéter et sur le visage de la petite amie qui s'inquiète visiblement de son absence. Quelques minutes plus tard, rentrant dans un bar, il croira reconnaitre la jeune femme blonde de son cauchemar dans la silhouette qui est reflétée par le grand miroir du bar ; une scène renvoyant de manière peu subtile aux images de la pièce aux murs couverts de miroirs de son cauchemar. Cette jeune femme et les séquences qui la concerne appartiennent elles aussi aux lieux communs du film noir : c'est " the tramp " de nombreux films du genre ; la fille perdue qui ramasse de temps à autre les paumés qui rentrent dans "son" bar.
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Tout comme pour la musique d'ambiance labellisée "pur film noir", ce genre de séquences vues et revues pourront sans doute séduire une partie des amateurs du genre d'autant plus que cette seconde version bénéficiait de bien plus de moyens et cela se voit à l'écran. Il est globalement mieux joué sauf en ce qui concerne la victime/coupable et est esthétiquement plus sage que le film original. Personnellement, je préfère assez nettement le film de 1947 en raison de ses recherches visuelles originales, pour l'interprétation hallucinée de DeForest Kelley que je préfère à celle plus maitrisée de McCarthy (mais ce point, comme le reste, peut se discuter)…en d'autres termes pour ses bizarreries qui donnent au film sa force onirique. La plus grande maitrise du remake ôte au film ce qui faisait une partie de l'intérêt de la version initiale.

Avec Edward G. Robinson (René Bressard), Kevin McCarthy (Stan Grayson), Connie Russell (Gina), Virginia Christine (Sue Bressard), Rhys Williams (Torrence) et Gage Clarke ( Belknap alias Britten )

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