Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

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wintergreen
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Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par wintergreen » 21 nov. 2009, 23:06

Slightly Scarlet, c'est d'abord un plaisir pour les yeux. Avant même d'etre embarqué dans l'intrigue, les premières images du générique ou apparaissent June Lyons (R. Fleming) Ben Grace (J.Payne), Dorothy Lyons (A. Dahl), éblouissent par la douceur de leurs couleurs chatoyantes, flashy, à la limite du kitsh, aux antipodes de l'aspect métallique des images actuelles.
Rapidement, l'empreinte du coloriste J. Alton imprime sa marque sur les premières séquences de suspense et de tension: les teintes s'assombrissent vers le mordoré, laissant les visages totalement ou partiellement éclairés par une lumière vive, diffusée par un ou plusieurs éclairages indirects. On assiste alors à des scènes esthétiquement sompteuses où les bords du cadre plongés dans la pénombre, sont littéralement déchirés par les coloris rutilants du Technicolor: le premier face à face entre Ben et Solly Caspar (T.de Corsia); l'agression du journaliste Marlowe (au cours de laquelle les silhouettes des agresseurs sont projetées sur le mur en ombres chinoise gigantesques); le tête à tête entre June et Ben installé au piano, le final ébouriffant... Pour souligner la nature obscure de l'Organisation Alton se paye même le luxe de filmer le coup de fil d'une taupe infiltrée dans la police uniquement en ombre chinoise. En appliquant au Technicolor ses recettes du noir et blanc, J. Alton donne un cachet hollywoodien luxueux à cette série B, que l'on devine par ailleurs bien fauchée : une seule séquence de groupe réunissant plus de 10 personnages; peu de scènes en extérieurs; la caméra plantée en 2 endroits pour filmer les nombreux va et vient des voitures. Manque de moyens confirmés sur les bonus par le scénariste Robert Blees qui évoque un tournage mis en boite en moins d'un mois !

Et l'histoire dans tout ça ? Contrairement aux échos lus ici et là sur l'inconsistance du scénario, le script n'a rien à envier à ceux d'autres polars du même acabit, reconnus pour leur richesse scénaristique.
Le boss brutal Solly tient la ville dans sa pogne de fer et craint uniquement l'élection du nouveau maire Mr. Propre Frank Jansen (Kent Taylor). Son second Ben, chargé de faire les poubelles pour réunir des indices susceptibles de couler la candidature de Franck , fait plutôt marcher sa cervelle et veut devenir calife à la place du calife. Pour ce faire, il réunit des preuves contre son patron, séduit et utilise June la sécrétaire de Frank, favorise en douce l'élection de ce dernier et la nomination du Chef de police au poste de Préfet; et fait de tout ce beau monde son vassal obligé. La dessus viennent se greffer une soeur kleptomane, alcoolique, légèrement nympho et immature; une romance avortée entre Frank et June, un coup de foudre explosif entre June et Ben, sans oublier la menace latente du retour du gros Solly. On a vu des histoires plus simples !
L'impression de "minceur" scénaristique vient peut-être de l'enchainement abrupt des péripéties qui nous rappelle que l'on est dans une Série B. Et c'est là tout le paradoxe d'une oeuvre utilisant les codes narratifs du B (ellipses, récit dégraissé...), présentée dans un écrin flamboyant.
L'autre intérêt du film réside dans l'absence d'ancrage des protagonistes qui évoluent quasiment en huit-clos, dans une cité balnéaire fictive: Bay City, et dans un contexte mal défini. Qui sont ils ? D'ou viennent ils ? Cette désincarnation des personnages et du lieu confère un caractère intemporel et géographiquement illimité à L'Organisation et à la corruption qui l'accompagne. Bay City: parabole du système mafieux.
Deux Rouquines... est plombé a mi-parcours par le traitement disproportionné du conflit tendance "psy" entre les 2 frangines qui tire l'ensemble vers le mélo roman-photo, mais ça reste un sacré moment de Cinéma.

La galette Carlotta est propre, lumineuse, tout juste traversée par quelque petites rayures verticales sans conséquences facheuses.

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Personne
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Personne » 07 déc. 2009, 12:48

Une comparaison du Carlotta versus une édition zone 1! La carlotta gagne haut la main.

http://www.dvdbeaver.com/film/DVDReview ... review.htm

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wintergreen
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par wintergreen » 07 déc. 2009, 13:32

Personne a écrit :La carlotta gagne haut la main.
Effectivement, victoire par K.O. !

pass
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par pass » 27 déc. 2014, 19:48

Premières représentations à Monte-Carlo le 12 Août 1956 et à Paris le 31 Août 1956 en VF et VO .

Stark
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Stark » 24 févr. 2017, 10:01

Deux Rouquines Dans La Bagarre est un exceptionnel polar de série B qui avec très peu de moyens transcende le genre. C'est un des rares films noirs en couleurs et il s'agit d'ailleurs du testament du directeur de la photo John Alton dans le film noir, son 19ème film dans le genre, un record.
Ce qui frappe le plus dans ce polar sulfureux, ce sont les constantes connotations sexuelles : tenues ultra sexy des deux soeurs, comportement nymphomaniaque d'Arlene Dahl, décors phalliques. Je ne me rappelle pas d'un seul film noir de cette période classique qui n'ait seulement un quart des décharges sexuelles de Deux Rouquines Dans La Bagarre. Les poses provocatrices en tenues sexy des deux soeurs sont bien sûr représentées sur les différentes affiches du film. C'est Arlene Dahl qui est responsable des costumes, elle créera par la suite une société de lingeries et cosmétiques. John Payne est toujours aussi charismatique en anti-héros battant et déterminé qui sait prendre des coups mais aussi en donner (comme dans l'Affaire de la 99ème Rue). Quant à Ted de Corsia, il décoche des dialogues bien brutaux, et il est normal qu'il s'acoquine si bien avec Arlene Dahl dans les séquences finales.
Deux Rouquines Dans La Bagarre est le dernier des sept films produits par Benedict Bogeaus, décorés par Van Nest Polglase, mis en musique par Louis Forbes, éclairés par John Alton et réalisés par Allan Dwan : encore un record. Benedict Bogeaus et ses techniciens avaient déjà plus ou moins collaboré ensemble. John Alton, habitué des films noirs tournés en noir et blanc, reste sur le travail de la couleur des six précédentes productions Bogeaus-Dwan, et c'est un régal visuel que cette richesse de couleurs des décors, costumes et éclairages mettant en valeur la lutte teigneuse des hommes et la sensualité des deux soeurs.

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chip
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par chip » 24 févr. 2017, 10:42

Oui ! c'est nettement mieux que " the river's edge "(1957), plus sexy et sensuelle que Fleming et Dahl, il y a Gloria Grahame, je viens de la revoir dans " Le masque arraché" (sudden fear), plus vénéneuse que jamais. Le dvd viens de sortir chez Rimini éditions, belle copie, 39 mn de bonus avec Antoine Sire qui parle beaucoup de David Miller et Joan Crawford (surtout) et consacre cinq ou six minutes à Palance et Grahame, j'aurais aimé plus.

Stark
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Stark » 24 févr. 2017, 21:28

Bravo Chip, Sudden Fear, c'est l'un de mes sommets du film noir, rien que Jack Palance et Joan Crawford, c'est la très grande classe. Et bien sûr Gloria Grahame, "bitchiest as ever". Pas revu ce pur chef-d'oeuvre depuis le siècle dernier, j'attends de le revoir dans une salle obscure comme il se doit pour apprécier un film sur grand écran.
Merci pour le tuyau du Rimini.

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chip
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par chip » 25 févr. 2017, 08:58

Autre tuyau la sortie chez Carlotta de PRIVATE PROPERTY (propriété privée)(1960) perle noire de Leslie Stevens avec Warren Oates. En bonus 17mn d'entretien avec Alexander Singer qui était alors conseiller technique sur le film, avant de réaliser le modeste mais remarquable A COLD WIND IN AUGUST (un vent froid en été)(1961) avec une formidable Lola Albright. Acheté hier, je n'ai pas encore visionné le dvd. " Propriété privée" était ressorti en salles l'été dernier à Paris.

Stark
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Stark » 28 févr. 2017, 16:52

Revu Party Girl avec notamment la deuxième danse de Cyd Charisse (habillée comme Arlene Dahl dans Deux Rouquines ..., hasard?), il faut savourer la fin de cette danse et les réactions de John Ireland. C'est vraiment dans la lignée de Deux Rouquines ..., hasard?

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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par kiemavel1 » 28 févr. 2017, 21:21

Stark a écrit : 28 févr. 2017, 16:52 Revu Party Girl avec notamment la deuxième danse de Cyd Charisse (habillée comme Arlene Dahl dans Deux Rouquines ..., hasard?), il faut savourer la fin de cette danse et les réactions de John Ireland. C'est vraiment dans la lignée de Deux Rouquines ..., hasard?
Découvert ce Party Girl dans un cinéma parisien il y a un bout de temps ... j'avais tellement pas aimé que j'y suis allé à deux séances de suite. Pas revu depuis même si j'ai le DVD Warner mais je n'ai jamais oublié le numéro durant lequel la chorégraphie amène Cyd Charisse vers le spectateur en même temps qu'elle se jète au sol. J'étais déjà prêt à la recevoir sur mes genoux ...

A COLD WIND IN AUGUST (un vent froid en été)
Voilà encore un autre film que tu as déjà plusieurs fois recommandé mais qui est lui aussi difficile à voir

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chip
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par chip » 01 mars 2017, 08:26

A COLD WIND IN AUGUST: dvd MGM limited edition collection, widescreen zone 1 (voir rubrique comédie dvd zone 1).
Un film qui à sa sortie, avait beaucoup troublé l'adolescent que j'étais . Lola Albright s'y révèle fascinante, un immense talent sous employé par Hollywood qui la cantonna dans la série B, elle était aussi remarquable dans " lord love a duck"( dvd MGM zone 1 avec s/t français) dans le rôle de la mère de Tuesday Weld, autre actrice géniale, les deux obtinrent l'ours d'or de la meilleur actrice au festival de Berlin et bien sûr "les félins " de René Clément, et j'ajouterai "Un direct au cœur "( Kid Galahad) où elle magnifique, c'est la plus belle chose dans ce film de Phil Karlson gâché par les chansons sirupeuses de Presley, la chanson de Lola Albright "love is for lovers" fut supprimée, il ne fallait pas faire de l'ombre au King.
Pour juger aussi du talent de la dame, on peut voir l'épisode " la veuve noire" ( the gray rock hotel)(1965) de Stuart Rosenberg. Dvd N° 68 dans collection consacrée à la série " Rawhide", cet épisode très proche du film noir, est à mon avis le meilleur de cette longue série.

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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Stark » 20 mars 2017, 08:32

Autre scène très très sensuelle, mais dans un western cette fois-ci, il s'agit de Colleen Miller dans Quatre Tueurs et Une Fille, la scène est vraiment torride. Inoubliable, je ne m'attendais pas à cet écart érotique lorsque j'ai découvert ce western.
C'est ce qui est appréciable avec la série B, les réalisateurs ont parfois la liberté de réaliser des scènes bien sulfureuses qui échappent aux foudres de la censure.
Comme dans Private Property, polar par contre enterré pour des raisons que l'on peut deviner en découvrant cette vraie bombe du nouvel Hollywood, je doute que ça plaise à tout le monde en raison des très nombreuses scènes sordides. Merci Chip d'avoir signalé cet inédit.

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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par chip » 20 mars 2017, 14:34

Colleen Miller avec le sucre d'orge et le soda qui " explose", c'est troublant, très. J'adore ce western. Carlson était aussi bien branché question sexe dans " The saga of Hemp Brown" ( l'implacable poursuite) (1959) et j'aimerais bien découvrir " Kid Rodelo " en espérant qu'il utilise aussi bien la superbe Janet Leigh. :oops:

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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Stark » 12 juin 2017, 16:57

Concernant Kid Rodelo, personne n'en dispose dans mes connaissances outre Atlantique. Ce qui est dommage, parce que Janet ...

Ce serait bien qu'un éditeur courageux le sorte, je pense bien sûr à ARTUS, s'il nous lit. Ca a l'air d'être un excellent western paëlla bien mouvementé (chouettes lobby et affiches, Janet très sexy).
Avec en bonus Janet interviewée par la télé française avec une conclusion assez piquante, n'est-ce pas Chip?

Donc ARTUS, si vous souhaitez faire quelques dizaines d'heureux, au boulot.

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Moonfleet
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Re: Deux rouquines dans la bagarre - Slightly Scarlet - Alan Dwan - 1956

Message par Moonfleet » 14 juin 2019, 20:10

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June Lyons (Rhonda Fleming) vient chercher sa sœur Dorothy (Arlene Dahl) à la sortie de prison où elle purgeait une peine pour vol. Un homme mystérieux est là pour les photographier en cachette. June se trouve être la secrétaire et maîtresse de Jansen, le futur candidat à la mairie de la ville. Ce dernier souhaite, s’il est élu, lutter contre la corruption et faire cesser les activités criminelles de Caspar (Ted de Corsia). Le photographe n’est autre que Ben Grace (John Payne), un petit truand travaillant pour le compte du redoutable gangster qu’il espère supplanter. En manipulant tout son monde, à commencer par June dont il tombe amoureux, il réussit à faire élire Jansen, faire partir Caspar et prendre la tête du gang tout en se mettant dans la poche le nouveau préfet de police. Mais en voulant aider la sœur de sa fiancée, qui vient de se faire à nouveau prendre en flagrant délit de vol, il va scier la branche lucrative sur laquelle il s’était installé...

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A 70 ans, Allan Dwan n’avait encore quasiment jamais frayé avec le film noir, et Slighty Scarlet sera le dernier distribué par la compagnie RKO qui allait péricliter peu de temps après à cause de la mauvaise gestion de Howard Hughes. Slightly Scarlet est tiré de Love's Lovely Counterfeit, un roman de James Cain paru en 1942, unanimement conspué, l’un de ses plus gros ratages selon les admirateurs de l’auteur de séries noires à l’origine de films aussi célèbres que Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder, les différentes versions du Facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) ou Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce) de Michael Curtiz. De ce mauvais livre, Allan Dwan et son scénariste Robert Blees réussissent à nous donner un superbe et sulfureux film noir en couleurs ; il y eut donc un précédent célèbre au Traquenard de Nicholas Ray dans le domaine du film noir transfiguré par le Technicolor, même si on l’aborde malheureusement beaucoup moins dans les écrits sur le genre.

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Il faut dire que son scénario est d’une banalité confondante. June Lyons (Rhonda Fleming) vient chercher sa sœur Dorothy (Arlene Dahl) à la sortie de prison où elle purgeait une peine pour vol. Un homme mystérieux (John Payne) est là pour les photographier en cachette. June se trouve être la secrétaire et maîtresse de Jansen, le futur candidat à la mairie de la ville. Ce dernier souhaite, s’il est élu, lutter contre la corruption et faire cesser les activités criminelles de Caspar (Ted de Corsia). Le photographe n’est autre que Ben Grace, un petit truand travaillant pour le compte du redoutable gangster qu’il espère supplanter. En manipulant tout son monde, à commencer par June dont il tombe amoureux, il réussi à faire élire Jansen, faire partir Caspar et prendre la tête du gang tout en se mettant dans la poche le nouveau préfet de police. Mais en voulant aider la sœur de sa fiancée qui vient de se faire à nouveau prendre en flagrant délit de vol, il va scier la branche lucrative sur laquelle il s’était installé... Bref, l’habituelle description de la lutte de pouvoir que se livrent les notables, la corruption qui règne en maître, la mainmise qu’à eue l’empire du crime sur une ville américaine, des sujets déjà à l’ordre du jour dans des titres plus anciens dont les intrigues s'avéraient plus tendues et ambitieuses tels que les superbe et nerveux La Femme à abattre (The Enforcer) de Raoul Walsh, The Big Combo de Joseph H. Lewis ou encore le très bon The Racket de John Cromwell.

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Mais Allan Dwan et Robert Blees semblent se ficher comme d’une guigne des péripéties et d’une quelconque montée dramatique, préférant se concentrer une fois encore sur leurs personnages et les décors opulents dans lesquels ils évoluent. Sans moyens financiers ni beaucoup de suspense, ils arrivent néanmoins à nous offrir une œuvre baroque et visuellement somptueuse. John Alton atteint ici des sommets à l’égale de ses plus belles participations aux films de Vincente Minnelli (Thé et sympathie ainsi que La Femme modèle), son utilisation du noir profond pour rehausser encore les couleurs flamboyantes ou rendre encore plus contrastés les clairs-obscurs est tout simplement prodigieuse. Bref, un film noir un peu filmé à la manière d’un mélodrame flamboyant ! Comme dans la plupart de ses derniers films, Dwan met encore en scène un trio, ici mené par un antihéros interprété avec toujours autant de classe par John Payne. Le gangster qu’il a réussi à évincer de la ville pour prendre sa place le décrivait ainsi : « Genius you're just a chiseler out for a soft spot. You're not crooked and you're not straight. You take what you can get where you can get it but you don't want any trouble. You'll die at age 66 with three grand in the bank but you'll never be an operator. » Les amateurs des frères Coen lui trouveront peut-être une similitude avec le Tom Reagan interprété par Gabriel Byrne dans Miller’s Crossing.

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Ce personnage remarquablement écrit est accompagné ici des deux merveilleuses rousses du titres français, aussi photogéniques et cinégéniques l’une que l’autre, rivalisant de beauté et d’érotisme : Arlene Dahl (la compagne de James Mason dans le célèbre Voyage au centre de la Terre de Henry Levin) et Rhonda Fleming, surtout connue pour son interprétation de Laura Denbow dans Règlement de compte à O.K. Corral de John Sturges. Rien que de les voir tous trois participer à ce jeu de dupes et de manipulation est une véritable délectation. Quand en plus on les admire évoluer dans de somptueux costumes, plus ou moins habillées (plutôt moins que plus pour les femmes qui rivalisent de sensualité dans des rôles assez ambigus, l’une étant une nymphomane avérée, l’autre attachée à sa sœur par un amour presque incestueux) à l’intérieur de brillants appartements confinés ou de luxueux bureaux, au milieu d’une cité balnéaire constamment ensoleillée, le régal pour les yeux est constant.

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Dommage que le film fut dès le début connoté "série Z" (à cause de l’insuffisance de moyens et d’un casting a priori manquant de prestige) et que, de ce fait, il ne fut quasiment projeté que dans les drive-in. Mais c’est peut-être aussi grâce à ce départ peu reluisant que le retournement de situation l’a fait devenir un film culte. Ce statut provient avant tout du fait de la causticité des dialogues, de l’immoralité doublée de cupidité de l’ensemble des protagonistes et de la violente sensualité qui se dégage de l'ensemble, un érotisme troublant que la censure n’a étonnamment pas cru bon de punir pour notre plus grand bonheur ! Il faut avoir vu l’aguichante Arlene Dahl brûler la main de John Payne avec un briquet avant de lui susurrer qu’elle serait aussi capable de lui faire des choses bien plus douces ; il faut l’avoir vu se vautrer lascivement sur un canapé jouant avec ses bas, pas farouche pour deux ronds à l’arrivée d’un homme qu’elle n’a encore jamais vu et qu’elle invite pourtant immédiatement à venir se joindre à elle ; il faut avoir vu les shorts courts et moulants ainsi que les nuisettes plus que légères et suggestives élégamment portées par la capiteuse Rhonda Fleming... Les séquences de violence dispensées avec parcimonie n’en acquièrent que plus d’impact et finissent par faire de cette superbe série B un film noir unique et non dénué de lyrisme de par son esthétisme mélodramatique génialement outrancier !
Source : DVDclassik

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