Dans le cadre du Festival Quai du Polar, à Lyon, parrainé par Claude Chabrol, le réalisateur donne une interview au journal gratuit 20 Minutes :
« Un criminel tue toujours deux fois »
Claude Chabrol
Cinéaste.
Parmi vos soixante longs métrages, pratiquement tous sont des films noirs.Pourquoi ?
C’est le meilleur genre pour fouiller la nature humaine.Le polar est capital dans l’imaginaire humain,
parce qu’il traite des grandes
La vie-la mort, le bien-le mal… On cherche toujours le côté bizarre chez l’autre,même chez Mère Teresa. Mais vous n’aimez pas les films de bandits ?
Ah non ! Les malfrats, c’est le moins intéressant du polar, parce qu’ils enfreignent la loi pour se fabriquer la leur.Cesont des couillons, des professionnels du non travail. Je préfère les gens bien qui ont des faiblesses.
Votre définition du criminel ?
C’est quelqu’un qui tue deux fois. Tuer une fois ne fait pas forcément de vous un criminel. On peut répondre à une pulsion insoupçonnée. Deux fois, c’est autre chose, ça veut dire qu’on y prend goût.
Vous avez déjà eu envie de tuer, notamment des producteurs ?
Non. Quand les producteurs m’emmerdent, je leur fais perdre de l’argent, c’est plus efficace !
Vous avez souvent adapté des reines anglaises du crime, comme Ruth Rendell. Pourquoi ?
J’aime bien ces dames anglaises, elles ont une écriture formidable, qui marie une intrigue intéressante
et un approfondissement psychologique des êtres.
Avez-vous pâti de la mauvaise réputation du polar ?
Non. Les intellectuels du cinéma sont moins cons que ceux de la littérature.
A Lyon, vous mettez en avant votre film Nada, adapté de Jean-Patrick Manchette en 1974. Pourquoi celui-là ?
Il a un côté pétroleur que j’aime bien. C’est un hommage à Manchette. J’avais adapté la première partie
et lui la seconde, et j’avais été plus fidèle que lui à son propre livre. On s’était engueulé parce qu’il me trouvait trop communiste orthodoxe, la blague ! Ce film m’avait causé des soucis, la police avait perquisitionné chez moi, elle pensait que je cachais la bande à Baader. Une autre époque !
Recueilli par
Bastien Bonnefous