[09/04/2019] New York, 2 heures du matin (ESC)

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pak
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[09/04/2019] New York, 2 heures du matin (ESC)

Message par pak » 25 avr. 2019, 20:30

Après avoir sorti le moins connu L'Ange de la vengeance (Ms .45) d'Abel Ferrara en mars, ESC a proposé dans les bacs New York, 2 heures du matin (Fear City) du même auteur dans la même collection "Cult'Edition".


New York, 2 heures du matin, sorti en 1984, voit le style de Ferrara s'affirmer. Tous les éléments qui feront la réussite du King of New York, sûrement son meilleur film et sa meilleure période, avant qu'il entame sa longue baisse qualitative à partir de la fin des années 1990 : vie nocturne, personnages fracassés, refus quasi total de concessions, recherche de rédemption (pas forcément acquise), les bas-fonds new-yorkais, refus de détourner la caméra des aspects les plus glauques du récits ou du comportement des personnages, propension, aussi, hélas, à briser brutalement la fluidité de la narration.

Avec ce film, le réalisateur accède à une production plus classique, avec un casting plus haut de gamme et un budget confortable. La contrepartie est que Ferrara n'est plus indépendant. Produit pour la Fox, le résultat à l'écran, forcément sulfureux, ne plaira pas du tout à la major, ni d'ailleurs à la Motion Picture Association of America qui détermine la classification des films sortant sur le territoire américain. Le réalisateur perdit une partie du contrôle du film, car dépendant d’un producteur qui exigeait des doublons de certaines scènes et qui a imposé une fin autre que celle imaginée par Ferrara et son scénariste. Malgré cela, des coupes furent exigées (et obtenues) mais la Fox refusa finalement de distribuer le film, et vendit les droits d'exploitation à une autre compagnie plus indépendante. Cela retarda la sortie du film au point qu'il fut à l'affiche en France plusieurs mois avant les États-Unis (faut croire qu'on a moins de problèmes chez nous avec la nudité et la violence).

Comme la plupart des films de Ferrara, celui-ci divise, provoquant un rejet épidermique ou au contraire une sorte de culte. Il faut dire que le style de l'auteur ne peut laisser indifférent. On peut quand même tiquer sur les dialogues un peu trop orduriers qui ne sonnent pas toujours juste, on peut aussi ne pas être convaincu par l’interprétation de Billy Dee Williams plus à l’aise dans le rôle qui l’a révélé au Monde entier quatre ans plus tôt, celui de Lando Calrissian dans L'Empire contre-attaque (dans le registre polar, on l’a préféré dans Les Faucons de la nuit aux côtés de Sylvester Stallone), par la gestion des flashbacks ou par le côté karaté du tueur.

Mais on peut aussi apprécier l’ambiance et le ton du film, l’ensemble certes plongé dans les années 1980 mais gardant toutefois une modernité encore sensible, avec ces vues d’une ville constamment éclairée la nuit et grouillante de vie alors que le commun est couché depuis longtemps, en contraste avec les noirs desseins de maniaques et pervers en tous genres, parmi lesquels vivent une faune humaine qui n’a plus guère d’illusions sur le rêve américain. Ce microcosme partage un univers fait de recherche de plaisirs nocturnes, sexe, drogue, alcool, et forcément, argent. Même la police semble trouver y son compte puisque rien n’est vraiment fait pour arrêter cela. Ce sont les agissements d’un déséquilibré qui vont localement remettre en cause ce fonctionnement d’une société parallèle qui disparait le jour naissant. Le tout est filmé avec ce qui pourrait paraitre de la complaisance (et c’en est en partie, puisque le réalisateur n’a que faire des bonnes mœurs et de l’honnêteté dans le sens légalité), compensée par une absence de jugement moral. Et on peut aussi apprécier la prestation de Tom Berenger dans un rôle pas facile, celles des jolies Melanie Griffith (dont la voix presqu’enfantine donne une dimension inattendue à son personnage assez trash) et Rae Dawn Chong, et on guettera l’apparition de Maria Conchita Alonso alors débutante à Hollywood après un début de carrière essentiellement télévisuelle au Venezuela.


Bancal mais assez envoûtant tant les auteurs cherchent à imposer un univers déglingué dans un paysage connu, le film est désormais visible en HD grâce au Blu-ray d’ESC (le film existait en DVD, sorti par l’éphémère éditeur Cheyenne Films en 2003, réédité par TF1 Vidéo en 2009).

Cette édition est dans les bacs depuis le 9 avril. Hélas c'est un combo Blu-ray / DVD, l'édition DVD seule n'étant pas disponible. VOst et VF.

A noter que le Blu-ray contient la version dite non censurée du film, qui contient deux minutes de métrage en plus. Des coupes qui montrent surtout la pudibonderie américaine (bouh, deux femmes qui s'embrassent ! ). Ceci dit, il y a vraisemblablement eu beaucoup plus de coupes et arrangements. Voir cette version étendue ne changera pas grand chose au fond du récit ni à sa forme.

Pour les suppléments, nous avons :

- Un entretien de 11 minutes avec l'écrivain et critique de cinéma anglais Brad Stevens, auteur du livre "Abel Ferrara : The moral version",
- Un autre de 36 minutes avec Olivier Père, actuel directeur du cinéma sur la chaine Arte,
- Un livret de 16 pages rédigé par le journaliste Marc Toullec (Mad Movies).


Ceux qui ont le DVD de 2003 peuvent le garder pour les suppléments qu'on ne retrouve pas ici :

- Une interview de Pierre Kalfon, producteur d’Abel Ferrara,
- Des montages alternatifs de dix scènes du film à travers les trois versions différentes qui ont été montées du film (preuve que le charcutage va eu-delà des deux minutes ajoutées pour le Blu-ray, certaines ayant été retournées en version édulcorée pour la télévision),
- Des bandes-annonces du film.


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Dans la guerre, il y a une chose attractive : c'est le défilé de la victoire. L'emmerdant c'est avant...

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