Without Honor - qui est avant tout un mélodrame féminin - n'est donc que très partiellement un film criminel mais il fait quand même partie d'un tout petit sous genre où le personnage principal est une « femme terrorisée à domicile » Il y côtoie des films comme Cause of Alarm, Beware, my Lovely ou Jennifer, c'est à dire des films dont l’héroïne n'est pas une « femme fatale » ou une chanteuse de Music-hall, la parente d'un disparu, la compagne d'un malfrat ou encore la secrétaire/petite amie d'un privé (liste non exhaustive des principaux types de femmes du genre) mais une « Desperate Housewive » , prétexte à montrer sous un angle clinique, critique ou bien finalement moraliste le mode de vie des couples américains des années 40 et 50.
L'histoire se déroule sur un après midi et dans un cadre quasi unique (à l’exception de la courte fugue de Jane et du court épilogue, toute l'action se déroule dans le pavillon du couple) et elle se concentre donc sur un personnage de femme au foyer interprété de manière assez outrée par une Laraine Day, parfois tétanisée par la peur mais le plus souvent toute en tension, torsion de lèvres et yeux exorbités. Elle est d'abord abandonnée par un amant assez lâche (Franchot Tone, dans un rôle forcément très bref, interprète cet amant homme d'affaires qui ne veut pas compromettre son statut social pour une relation -pour lui – pas plus marquante que les précédentes) puis, prise de panique suite à « l'accident », avant qu'elle n'ait pu prendre une décision sur quoi faire de ce « cadavre dans le placard », elle se retrouve prise au piège dans sa propre maison d'abord par son beau frère puis par l’irruption de tous les personnages d'un mélodrame étouffant … mais ennuyeux et au final assez raté.
Il est probablement difficile de faire un film sur des personnages tristes qui semblent traîner un désespoir résigné et silencieux et ici le pourtant très bon et expérimenté scénariste James Poe échoue à construire une histoire prenante avec ses personnages. On se raccroche néanmoins à quelques modestes qualités … Certains des acteurs font de leur mieux : pas le soporifique Bruce Bennett (Fred, le mari de Jane), terne époux que le scénariste a juste pris la peine de caractériser de manière très succincte. On apprend de lui qu'il délaisse sa femme (préférant presque chaque soir jouer aux cartes avec ses amis, dont son frère Bill) et, plus tard, le seul personnage secondaire à intervenir est l'installateur de la télévision commandée par Fred ; une petite notation voulant probablement signifier que dans ce couple sans enfants, l'entente et la communication ne risquent pas de s'arranger avec l'arrivée de la petite lucarne. Jane (Laraine Day) est soit prostrée, soit effarée, soit épouvantée … et le scénariste n'a pas trouvé grand chose pour épaissir le personnage, à part de petites choses au tout début. Quand par exemple son amant fait irruption dans la maison et la trouve en train de préparer le barbecue du soir, elle est gênée qu'il la découvre ainsi en cuisinière peu glamour. Elle a donc réappris à séduire mais ses espoirs sont déçus, c'est peu de le dire, puisque son riche amant s'empresse de rompre alors que quand elle apprend qu'un détective a découvert leur liaison, elle est persuadée que cela va être pour le couple l'occasion de la révéler enfin au grand jour (il lui a promis le mariage)… C'est mince.
Mais le personnage le plus convaincant est de loin celui du méchant (Bill) dans lequel Dane Clark se montre une fois de plus remarquable, cette fois ci dans un registre assez veule et mesquin. Il faut voir sa fausse bonhomie et ses sourires de petites larves hypocrites quand il se présente chez sa belle sœur ! Celui qui a longuement ruminé sa revanche après avoir été à 18 ans repoussé par Jane un soir où il était ivre, va tenter par tous les moyens de briser le mariage de son frère mais il va montrer son véritable visage dans un final où tout - ou presque - rentre dans l'ordre, au moins en apparence.
Je laisse volontairement quelques zones d'ombre mais celle (Jane) qui aurait du être rejetée revient au centre de l'attention et est même sauvée par ceux qui auraient pu l’abandonner à son sort … et c'est Bill, devenu le paria contre qui tout le monde s'est retourné qui montre son véritable visage, celui d'un homme désespérément seul trouvant son bonheur dans le sabotage du bonheur des autres. A ce titre, la dernière scène pathétique, dans sa simplicité même, est la plus révélatrice et la plus réussie du film.
Malgré tout, ce film reste quand même selon moi le moins réussi des films criminels réalisés par Irving Pichel. Si Without Honor est très facultatif, ses deux autres essais valent la peine d'être vus : Quicksand (Sables mouvants), 1950 est disponible en DVD chez Bach Films et They Won't Believe Me (Ils ne voudront pas me croire) a été diffusé à la télévision chez nous. 55/100
Je reviendrais plus tard à Dane Clark mais dans l'immédiat, sur le feu il y a une série consacrée à 1 autre oublié :
Gene Barry : Le vol du secret de l'atome, 1952 (Jerry Hopper), Alibi meurtrier, 1954 (Idem), Le gang de l'or noir, 1956 (William Castle) et Hong Kong Confidential, 1958 (Edward L. Cahn). Rien de bouleversifiant mais il faut causer de tout ^^