La foire aux illusions - State Fair - Henry King - 1933

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kiemavel1
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La foire aux illusions - State Fair - Henry King - 1933

Message par kiemavel1 » 17 oct. 2017, 01:41

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La foire aux illusions - State Fair (1933)
Pour chacun des membres de la famille Frake, des fermiers vivant dans une ferme isolée proche de la petite ville de Brunswick dans l'Iowa, la semaine passée à la grande foire de l’état à Des Moines est la grande sortie annuelle. Les parents, Abe (Will Rogers) et Melissa (Louise Dresser) espèrent y réussir dans les concours culinaires et avicoles, tandis que leurs enfants Margy (Janet Gaynor) et Wayne (Norman Foster) espèrent y prendre du bon temps …
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State Fair (1933) était la première des 3 versions cinématographiques du best-seller de Phillip Stong et la seule non musicale. Le film de Henry King donne deux grands rôles à deux des plus grandes vedettes de l’époque jouant sur des registres on ne peut plus différents : Janet Gaynor et Will Rogers ; dans un film où, encore une fois, le réalisateur se penchait sur cette Amérique rurale qui lui a fourni le cadre de tant de films. Ici, ce n’est pas la vie quotidienne dans un petit microcosme qui jouit d’une certaine routine apparente sur lequel il se penche, il montre ses personnages en dehors du petit monde fermé qu’ils ont toujours côtoyé, dans le cadre étranger de la foire. C’est l’événement annuel qui entraine la famille Frake dans un univers propice aux découvertes et aux changements et c’est pour eux la parenthèse qui permet de se libérer du quotidien et de s’ouvrir sur le monde avant un retour à l'isolement jusqu'à l'année suivante.
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Cependant, à l'arrière-plan, presque inconsciemment, plus qu’une parenthèse, presque tous attendent de cette rupture festive qu’elle leur apporte durablement. Les parents ont l’espoir de gagner prestige et renommée auprès de leur communauté et aux enfants, la foire offre la possibilité - outre ses distractions - de faire l’expérience de la liberté loin du regard de parents trop occupés de leur coté. Et de fait, pendant une semaine, l’expérience de la foire annuelle va être un révélateur pour toute la famille. En dehors de la rêveuse Margy, leurs espoirs sont pourtant modestes. Pour les parents, la foire est donc l’occasion de voir leurs talents reconnus. Celui de Melissa, c’est son excellence culinaire et elle espère donc gagner les différents concours auxquels elle participe (préparation à base de viande hachée et pickles). Pour Abe, la foire est l’occasion de montrer le fleuron de son élevage : Blue Boy (1), son plus beau porc Hampshire, en espérant remporter le ruban bleu récompensant le meilleur éleveur de l’année. Pour leur fils Wayne, la foire doit lui fournir l’occasion de prendre sa revanche sur un forain (Interprété par Victor Jory) qui l’année précédente l’avait délesté de la totalité de son argent, c’est à dire 8 dollars. Pour le portraiturer, il suffit de dire qu’il a durant un an consacré secrètement tout son temps libre à s’entrainer à ce jeu d’adresse et en est devenu un expert. Quant à Margy, qui se moque de son frère lorsqu’elle le surprend en train de s’exercer, elle veut simplement sortir de la maison pour prendre enfin un peu de bon temps.
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Leurs espoirs vont se concrétiser mais ça n’ira pas sans des-illusions, comme le titre français l’annonçait. Les illusions d’ Abel prêtent à sourire … et Henry King ne s’en prive pas. Lui qui le reste de l’année semble davantage choyer Blue Boy que sa propre famille, il se trouve bien embarrassé lorsqu’il s’aperçoit que malgré toute l’attention et les soins prodigués durant la foire (Abel reste des heures dans son box et dort presque avec lui) son champion semble si apathique qu’un éleveur rival le dira probablement malade. Or, ce n’est pas Abe qui va lui faire retrouver sa vigueur mais Esmeralda, une belle cochonne rousse (c’est la moins connue des belles rousses d’Hollywood) et ceci jusqu’au jour décisif du concours puisque c’est seulement lorsque la belle rouquine entre en piste à son tour que Blue Boy se montre à son avantage et emporte la mise. Comme quoi, même les cochons sont transcendés par l’amour ! Avec cette histoire de cochons, Henry King s’amuse puisque par deux fois, il filme les deux bovins (attention, y’a un piège) en champ-contrechamp en train de « converser ». Le metteur en scène est aussi visiblement très client de l’humour de sa star Will Rogers (je le suis moins). Les illusions de Ma sont évidement en rapport avec sa cuisine. Henry King raille gentiment sa rigueur et les principes de sobriété qu’elle affiche puisque se refusant d’abord à ajouter de l’alcool à sa préparation de viande haché, c’est dans son dos que son mari ajoute une bonne rasade d’eau de vie de pomme … avant qu’elle même, se ravisant, finisse de vider la bouteille de gnole. Et c’est évidement cette préparation abondamment arrosée d’alcool fort qui remporte le prix (il parait qu’une scène coupée montrait le président du jury malade).
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Du coup, les parents de Margy et Wayne sont bien plus concernés par leurs propres activités sur la foire que par ce que leurs enfants sont en train d’y vivre. Et pourtant, la fête annuelle sera d’une bien plus grande importance pour les deux enfants de la famille car pour eux se présentera l'occasion de bouleverser leur avenir tout tracée puisqu’ils sont promis de longue date à des amis d’enfance même si Margy n’est pas encore certaine d'épouser son prétendant Harry (Frank Melton) qu’elle trouve maintenant trop sage et étriqué (il refuse de l’accompagner à cause de de son affaire de lait). Il est à l’image de son frère Wayne dont Margy se moque en prévoyant que sa propre fiancée Eleanor va se lasser de lui lorsqu’elle sera à l’université tandis que lui n’envisage pas d’autres vies que celle de fermier. Juste avant le départ pour la foire, elle va demander à son frère : « Buddy… Sometimes don’t you fell like you want to go away somewhere and just raise hell ? « … Et il lui répond qu’il ne comprend pas ce qu’elle veut dire ! Leurs illusions vont se croiser, même s’ils vont finir tout deux par revenir au point de départ, c’est à dire au mode de vie pour lequel ils étaient programmés du fait de leurs personnalités ou de leurs aspirations ; mais entre temps, ils vont vivre leurs véritables premières expériences amoureuses … et sexuelles car bien que le film ait été victime de la censure sur ce point, il est encore explicite que tout deux vivent leurs premières nuits d’amour durant la foire.
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Wayne qui apparaît comme un garçon simple et naïf, voire un peu idiot (sa préparation pendant un an) va être totalement ébloui par l’exubérance de la foire et il va avoir une aventure avec Emily (Sally Eilers), une jeune trapéziste qui va probablement être dans sa vie une simple parenthèse, de celle qui laisse de formidables souvenirs (clairement, Emily est sa première maitresse et il passe 3 nuits avec elle) mais finalement peu de durables regrets même si le retour à Brunswick est bien triste. Car la jeune femme a fini par repousser Wayne bien qu’elle ait été séduite par sa gentillesse car elle sait qu’elle n’est pas une femme pour lui ; probablement pas la femme d’un seul homme ni une fermière qui s’ignore. C’est ce qu’elle tente de lui faire comprendre et au fond il le sait. Elle avait été aussi franche le soir de leur rencontre puisque c’est clairement elle qui fait le premier pas (mais cette première nuit n’a pas plu à la commission de censure qui a coupé cette séquence qui n’a jamais été rétablie. 2).
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Quant à Margy, c’est parce qu’elle prend peur dans une montagne russe, qu’elle se jète dans les bras de Pat (Lew Ayres), son voisin de cabine. Bien que la jeune femme doute déjà de maintenir son engagement avec son fiancé qui ressemble plus à un ami d'enfance qu’à un véritable amoureux, Margy tient Pat à distance et ce dernier un peu blasé est d’accord pour qu’ils se voient durant ces 3 jours seulement en ami mais finalement … Pat est est le pendant masculin de Emily. Lui aussi est un citadin et son travail de journaliste est à milles lieues de l’univers de Margy. Il a lui aussi bien vécu et il avoue à Margy ses nombreuses conquêtes féminines. Si elle finit par le repousser malgré qu’il veuille l’épouser, c’est qu’elle ne veut pas lui imposer une vie qui ne lui conviendrait pas. Une fois encore, les personnages de Henry King font preuve d’une grande attention à l’autre et d’une grande compréhension … mais ils sont ici à la limite trop sages et les aventures de Wayne et Margy (la partie des parents appartient presque uniquement à la comédie) manque un peu d’émotions … sauf dans un final dont je ne dis rien. Par contre, le réalisateur parvient à donner l’illusion que ces quelques jours auront été décisifs pour les deux jeunes gens pour les faire passer à l’âge adulte avec une simplicité et une économie de moyens étonnants. Peut-être pas le plus bel Americana de King mais une réussite. 7/10
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(1) Blue Boy avait réellement été primé à la foire d’état de 1932 à Des Moines où Henry King et son équipe avaient tourné les séquences de la foire sans les acteurs (et d’ailleurs les transparences sont assez vilaines). Le réalisateur avait prévenu Rogers que l’animal pouvait être agressif mais alors que King s’apprêtait à tourner la première scène entre son acteur vedette et Blue-Boy, son équipe retrouva l’acteur dans le box du cochon, endormi la tête appuyée contre son flan. Après le tournage, Blue Boy aurait parait-il fini dans une cantine scolaire de Californie.

(2) La première séquence dans la chambre de Emily a été coupée en 1935, pour une ressortie, et jamais restaurée. Juste avant de se mettre au lit, Emily disait expressément qu'elle n'épouserait pas Wayne, puis ils dialoguaient hors écran tandis que les images montraient le lit froissé et un déshabillé jeté au sol.

kiemavel1
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Re: La foire aux illusions - State Fair - Henry King - 1933

Message par kiemavel1 » 19 août 2019, 22:08

Je viens de lire que le film " est inscrit depuis 2014 au National Film Registry pour être conservé à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis en raison de son importance culturelle, historique ou esthétique".
C'est bien, on est rassuré. Le film a été mis dans un placard pressurisé, à l'abri de la lumière, et tout et tout … Mais le grand public pourra le voir dans de bonnes conditions quand ? Pas de Blu-Ray, pas de DVD … et c'est juste une aberration eu égard à la qualité du film.

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