Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

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pak
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Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par pak » 12 mai 2015, 20:16

Commando sur le Yang-Tsé (Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst)
Michael Anderson (1956)

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En compétition pour la palme d'or au festival de Cannes 1957

Interprètes principaux :

Richard Todd (Lieutenant commander Kerans)
William Hartnell (Quartier-maître Frank)
Akim Tamiroff (Colonel Peng)
Donald Houston (Lieutenant Weston)
Keye Luke (Capitaine Kuo Tai)
Sophie Stewart (Miss Charlotte Dunlap)
Robert Urquhart (Flight lieutenant Fearnley)
James Kenney (Lieutenant Hett)
Richard Leech (Lieutenant Strain)
Michael Brill (Lieutenant Berger)
Barry Foster (Second-maître McCarthy)
Thomas Heathcote (Monsieur Monaghan)
Sam Kydd (Matelot de 1re classe Walker)
Ewen Solon (Engine room artificer Williams)
John Charlesworth (Roberts)
Kenneth Cope (Monsieur McNamara)...

Scénario : Franklin Gollings et Eric Ambler, d'après le livre de Lawrence Earl (Yangtse Incident, 1950)

Musique : Leighton Lucas

Production : Herbert Wilcox / Wilcox-Neagle et Everest Pictures Ltd - Film britannique

Distribué par British Lion Film Corporation (Grande-Bretagne) / Sofradis (France)


Sortie Grande-Bretagne : 02/04/1957 - Sortie France : 09/07/1958



Le sujet : En 1949, le HMS Amethyst, une frégate britannique, est chargé de rejoindre Nakin par le fleuve Yang-Tsé. Mais bientôt, le navire subit une attaque de l'armée de libération du peuple et s'échoue dans la boue du fleuve. Des tentatives de secours et des négociations avec les autorités chinoises sont alors lancées...


Ce que j'en pense :

Le film est tiré d'un fait de guerre réel, ou du moins d'un incident guerrier, celui impliquant une frégate de la marine britannique, l'HMS Amethys, échouée sous la gueule de canons inamicaux. C'est d'ailleurs précisé dès la première image du film, avec un texte défilant sur fond de drapeau de la couronne, un étendard sali, troué et déchiré, flottant malgré tout au vent. Une manière de prévenir que le combat qui va être décrit aura été difficile et dramatique, mais que malgré les pertes, la victoire fut acquise par la fière et réputée marine anglaise. Le film se veut une évocation rigoureuse des faits, même si le texte prévient toutefois de quelques omissions volontaires, effectuées pour satisfaire les contraintes d'une durée d'un long-métrage, apparemment imposée. Pourtant, quand on lit le compte-rendu historique de l'évènement en parallèle de la vision du film, il apparaît qu'en plus des omissions, il y a eu des simplifications avec une certaine tendance à enjoliver certains moments, notamment à la fin. Ceci dit, si un film devait coller strictement à la réalité, alors ce serait plus un documentaire qu'une œuvre cinématographique, plus didactique que vraiment passionnant. On n'en est toutefois pas très loin, car c'est un livre écrit en 1950 par un journaliste canadien qui a servi de base au scénario, le journaliste ayant compilé les évènements pour en tirer un compte-rendu factuel, et non un récit romancé.

Mais si le film n'est pas totalement passionnant, celui-ci est au moins intéressant. Surprenant même. En effet, alors qu'on s'attend à un énième film de guerre opposant alliés contre japonais si on ne s'est pas renseigné avant sur le contexte historique du récit (et rien dans le début du film le précise), l'ennemi surprend car il est chinois. En fait, l'introduction plonge le spectateur dans l'action sans réel repère, comme si ce dernier connaissait forcément l'histoire adaptée et n'avait nul besoin de précisions. Le film étant sorti en 1957, soit environ huit années après les évènements, on peut effectivement supposer que l'incident était encore dans la mémoire collective. Ce qui est vrai au moins pour le Royaume-Uni, car les trois mois (plus exactement les 101 jours) que vont durer le calvaire du navire et de son équipage vont faire la une de l'actualité locale durant des semaines. Le dénouement sera un événement national pour lequel même le chat du navire sera médaillé ! Il y aura même un modèle réduit en carton produit en Angleterre dès 1949 et produit durant plusieurs années. Le film sera lui aussi accueilli chaleureusement. Car à sa première, on put voir des invités de marque comme l'amiral Arleigh Burke, chef des opérations maritimes américaines sous l'ère Eisenhower (il le sera aussi sous Kennedy), ou le prince Philip, duc d’Édimbourg (et accessoirement le mari de la reine Élisabeth II). Le film fut sélectionné pour représenter le Royaume-Uni au festival de Cannes de 1957, et il terminera quinzième du box-office britannique de la même année. Mais sorti de ce contexte contemporain, vu des décennies plus tard, ce long-métrage devient très évasif de par un manque de repères identifiables, comme le sont la plupart des films en réaction directe avec l'actualité récente précédant leur fabrication. Du coup, le récit n'est pas très clair sur les enjeux militaires engagés et n'insiste pas trop sur la nature du conflit, pourtant original car peu exploité au cinéma. En effet, nous sommes ici à la fin de la guerre civile chinoise, qui suivit la fin du second conflit mondial (en fait une reprise, car elle a débutée en 1927, puis a connu une « pause » forcée le temps de virer les japonais du pays), opposant communistes, alors menés par Mao Tsé-toung, aux nationalistes commandés par Tchang Kaï-chek. Guerre comme on le sait qui verra la victoire des communistes, et qui contraindra les vaincus à l'exil à Taïwan, demeurant depuis une épine démocratique dans le derrière de l'ordre communiste chinois... Mais ceci est une autre histoire... Donc si on n'est pas au fait du contexte, la première partie du film peut porter à confusion.

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Le duc d’Édimbourg (à gauche) à la première du film

Mais le film a ses qualités. Comme traditionnellement avec le cinéma britannique, la caméra a un certain regard social, s'intéressant d'emblée de près aux marins, gradés ou non, et en quelques plans nous est montré leur environnement. Le spectateur est donc vite plongé dans un milieu réaliste et cohérent, loin de la reconstitution en studio ou carton-pâte. Île (et empire) oblige, il y a une grande tradition maritime en Grande-Bretagne, qui s'exprime aussi forcément à travers quantité d'oeuvres artistiques (les toiles de Thomas Luny ou William Frederick Mitchell) ou littéraires (les formidables sagas écrites par C. S. Forester ou Patrick O'Brian). Tradition que l'on peut aussi retrouver à travers quelques films comme Above us the waves de Ralph Thomas (1955), La Bataille du Rio de la Plata de Michael Powell et Emeric Pressburger (1956), Coulez le Bismarck ! (1960) et Les Mutinés du Téméraire (1962), tous deux de Lewis Gilbert, Billy Budd de Peter Ustinov (1962)... La royal navy a toujours été ressentie comme une fierté, longtemps considérée comme la meilleure marine du monde. Commando sur le Yang-Tsé s'inscrit dans cette continuité. On sent donc un grand respect dans le regard du réalisateur, tout comme il en avait montré aux aviateurs anglais dans Les Briseurs de barrages deux ans auparavant et qui fut nommé au BAFTA du meilleur film britannique. Mais ce recul a ses limites. Comme le film se veut une reconstitution fidèle, il n'y a pas de place pour les développements humains et psychologiques, aussi les personnages sont peu esquissés et relativement anonymes. On n'est pas dans La Canonnière du Yang-tsé, mais dans la discipline et la rigueur de la marine anglaise, donc pas une tête qui dépasse, pas un rebelle, chaque ordre donné étant exécuté à la lettre. C'est la limite de ce film qui n'incite pas à l'empathie ou une quelconque émotion. Par contre il gagne en efficacité. Car l'action démarre très tôt, dans les cinq minutes après la première image, et durant vingt minutes nous est permis d'assister à une bataille navalo-terrestre des plus réalistes, d'autant que quasi aucune maquette n'est utilisée durant ces moments. En effet, le bateau vu à l'écran est essentiellement le véritable Amethyst, racheté par la production, du moins dans les (nombreuses) scènes où on le voit échoué. Ses moteurs n'étant plus en état de marche, le navire ayant entretemps été réformé, c'est l'un de ses sister-ships qui le double, si j'ose dire, pour les plans de déplacements (et, le 19 janvier 1957, entre la fin du tournage et la première, l'Amethyst serra ferraillé sans considération pour sa petite contribution à la grande Histoire de la navy). Les maquettes, artifices quasi obligatoires pour les films maritimes avant l'arrivée du numérique, seront au bout du compte peu utilisées, et plutôt vers la fin, lors de la reconstitution de l'ultime passe d'arme entre le bateau et une batterie côtière. Michael Anderson, qui avait fait sensation avec le film de guerre aérien déjà cité Les Briseurs de barrages, démontre une belle efficacité dans les phases de combats, ce sont d'ailleurs les meilleurs moments du film, tendus, implacables, incertains, réalistes.

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Des combats réalistes

Mais ces combats sont entrecoupés par des scènes représentant les phases de négociations entre les britanniques et les autorités communistes chinoises. Et c'est durant ces moments que le film dévoile sa facette propagandiste, mettant en avant un colonel chinois limite obèse, grimé de manière grotesque, tout étant fait pour lui donner un aspect presque repoussant, forcément fourbe, méprisant, mais assez bête pour être manipulable. Ce colonel est d'autant moins crédible qu'il est interprété par le vétéran Akim Tamiroff, l'acteur d'origine russe abonné depuis les années 1930 aux rôles « exotiques » (il a été russe bien-sûr, mais aussi gitan, mexicain, arabe, italien, chinois, espagnol, etc... ), affreusement maquillé comme dans les pires serials des années 1930-40, et c'est d'autant plus choquant visuellement qu'il est constamment entouré de véritables figurants asiatiques, mettant encore plus en contraste cette supercherie, et on se demande à chacune des apparitions de Tamiroff quelle mouche a bien pu piquer le directeur de casting... Comme en plus il joue assez mal, ses scènes sont difficilement supportées tant le ridicule désamorce suspense et tension. Il est évident que dans ces scènes de négociation, il n'est question que de démontrer la duplicité des communistes, les montrant sous un jour dévalorisant, car en 1957, la guerre froide est alors une réalité depuis une dizaine d'années. Mais cet aspect, plus lié à la réalité géopolitique du moment qu'à celle de l'incident en lui-même est tellement mal géré qu'il semble avoir été ajouté aux forceps dans le scénario original. Heureusement le déroulement réel des faits empêchent de forcer le trait trop longtemps, surtout dans un film qui se revendique fidèle à ceux-ci, et le discours anti-communiste reste au final assez modéré, ce qui distingue ce film britannique de certains de ses équivalents hollywoodiens. Par exemple, il n'est pas fait mention dans le récit que les chaloupes évacuant les blessés du navire immobilisé ont été mitraillées par l'armée chinoise. Le fait de tirer sur des hommes diminués et sans moyens de défense aurait été une occasion d'enfoncer le clou. Quand on compare le film aux faits, il semble que les auteurs aient souhaité tout de même ménager les autorités chinoises, évitant trop de scènes à charge, presque toujours dans cette optique de relater des actions sans prendre parti, comme le ferait un historien. Peut-être était-ce dû au fait que l'empire britannique était encore en possession de Hong Kong et avait des intérêts à préserver en Asie, et aussi que la guerre de Corée, dans laquelle la Grande-Bretagne et la Chine étaient parties prenantes, mais dans des camps opposés, venait de se terminer (en 1953) et qu'il n'était pas utile de provoquer un éventuel incident diplomatique à cause d'un simple film, le but de celui-ci étant visiblement de mettre en valeur les marins anglais, non de dénoncer les agissements passés des militaires chinois pour les projeter sur le présent... ?

Enfin, le souhait de relative exhaustivité quant à la représentation des évènements nous fait régulièrement sortir du navire blessé, les auteurs s'attachant à plusieurs épisodes extérieurs et au suivi de quelque personnages secondaires. Cela brise la narration, car les points de vue s'éparpillent et de ce fait, la tension baisse. C'est le prix à payer à l'authenticité. Dommage, car si la caméra était restée à bord, le film aurait pu devenir un huis-clos maritime tendu et dramatique, et même oppressant, montrant la décomposition lente d'un équipage épuisé et affamé sous la menace constante d'un abordage ou d'un bombardement. Un huis-clos que nous fera vivre quarante-cinq plus tard Wolfgang Petersen avec sa saga sous-marinière Le bateau (Das Boot), devenu la référence en termes de films de guerre maritimes. Commando sur le Yang-Tsé n'en est pas là, même si le début laisse entrevoir ce qu'il aurait pu être avec un peu plus d'ambition artistique et un peu moins de didactisme. Mais c'est un choix assumé, d'aborder les divers aspects mettant en valeur les actions anglaises, de l'officier commandant au simple matelot, qu'ils soient à bord ou ailleurs au destin momentanément incertain. D'autant que la plupart des protagonistes impliqué étaient toujours en vie à la sortie du film, et l'une des raisons d'être de celui-ci est évidemment, comme évoqué plus haut, de leur rendre hommage.

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Visages marqués et burinés : de l'authenticité à l'anglaise

Quoi qu'il en soit, deux idées principales s’interfèrent à la vision du film, l'une concernant la reconstitution qui se veut fidèle, l'autre tentant de dénoncer une idéologie ennemie. Autant la première est motivée et efficace, autant la seconde est déplacée et maladroite pour ne pas dire datée, même pour l'époque. Mais la première n'est pas exempte de défaut. Car ce qu'on peut lui reprocher, c'est sa froideur. Une froideur historique, laissant peu de place à l'humain, au ressenti des protagonistes, à leurs atermoiements face à des péripéties exceptionnelles. Une froideur fissurée seulement à deux reprises, humanisant un court instant le récit. L'un de ces moments est cocasse, montrant un matelot déguisé en officier de marine subir les gentilles moqueries de ses camarades de rang et qui ensuite essaye de dérider un enfant chinois avec ses grimaces, l'autre étant un interlude d'ambiance via un lent traveling latéral traversant une coursive du bateau, passant d'un visage de marin à un autre, montrant des hommes épuisés, sales et blessés, piégés dans leur carcasse flottante et incertains sur leur devenir. La froideur évoquée se retrouve dans l'interprétation, d'une rigueur toute militaire. La sobriété, hormis Tamiroff déjà évoqué, est de mise. Les quelques marques d'émotions de font à travers le regard d'un visage noircit de crasse ou d'un simple geste comme le partage d'une tasse de thé dans le pire des moments. Ces brefs moments sont d'autant plus touchants qu'ils sont rares. Richard Todd, personnifiant l'officier chargé de débloquer la situation sur le terrain, parvient malgré tout à émerger d'une interprétation globalement anonyme (je n'ai pas dit mauvaise, loin s'en faut), tout en autorité affirmée mais restant à portée de ses hommes, trouvant là l'un des nombreux rôles de militaire qui jalonneront sa carrière (et ce dès ses débuts au cinéma), étant manifestement à l'aise en uniforme (il sera entre autres le fameux Wing Commander Guy Gibson dans Les Briseurs de barrages). Il faut dire que Todd a été un guerrier, officier parachutiste durant la seconde guerre mondiale, ayant participé aux opérations du jour J, il est donc d'autant plus crédible en soldat qu'il a connu le feu ennemi.

Un mot sur le titre français, idiot, puisqu'il n'est en aucun cas question d'un quelconque commando. Peut-être les distributeurs de l'époque ont-ils repensé à un autre film britannique mettant en scène et au pinacle la marine anglaise, Commando sur Saint-Nazaire (Gift Horse) de Compton Bennett, sorti en France en 1953, obtenant un succès d'estime avec près d'un million d'entrées (d'estime car en 1953, le trentième du box-office français dépassait allègrement les 2,5 millions d'entrées).

Rigueur, c'est bien le sentiment qui prédomine à la vision du film, mais c'est à la fois sa qualité et sa limite. Car elle n'est que très rarement accompagnée d'émotion. Et elle est régulièrement mise en défaut par la représentation des chinois communistes, grevée par une énorme faute de casting. Pourtant, il reste suffisamment d'éléments pour intéresser, comme le contexte historique assez peu exploré par des fictions, le réalisme des situations guerrières, l'efficacité de la mise en scène ou l'exploitation du cadre étriqué du navire. D'autant qu'ici, on célèbre moins une victoire qu'une fuite, ce qui est rare dans le film de guerre. Et on ressort de la vision du film avec l'impression positive d'avoir appris quelque chose...


Note : 12/20

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Pas de bande annonce, mais une bande d'actualité évoquant la première du film au Plaza Theatre à Londres :

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Michel Audiard

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pak
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Message par pak » 12 mai 2015, 20:29

L'incident du Yang-Tsé : les faits (attention, ce qui suit dévoile l'essentiel de l'intrigue)...

En avril 1949, la guerre civile chinoise est sur le point de se terminer avec la victoire des communistes et son armée populaire. Le Royaume-Uni a dépêché plusieurs navires sur les côtes chinoises pour préserver ses intérêts.

Le 20 avril 1949, la frégate HMS Amethyst remonte le cours du fleuve Yang-Tsé Kiang pour se rendre à son ambassade à Nankin, sur le point d'être occupée par les troupes communistes. Le matin, vers 8h30, le navire essuie une dizaine ce coups de canons tirés par une batterie de l'armée populaire. Il faut dire que des embarcations nationalistes ont aussi navigué sur le fleuve pour tirer sur les positions communistes. Les anglais déploient alors leur drapeau pour se faire reconnaître, et les tirs cessent.

Mais une heure après, une deuxième batterie communiste ouvre le feu sur la frégate qui est touchée dès le second obus, touchant l'homme de barre. La passerelle de commandement est aussi touchée, le capitaine du navire trouvant la mort tandis que son adjoint, le lieutenant Geoffrey Weston, est blessé. Livrée à elle-même, la frégate s'échoue sur un haut-fond. D'autres obus endommagent la coque et le générateur électrique, mettant hors-service le gyrocompas et les systèmes de contrôle de tirs électriques. L’Amethyst est hors d'état de repartir. Pire, elle est échouée de telle manière qu'aucune de ses deux tourelles avant ne peut riposter. Seule, la tourelle de poupe tire une trentaine d'obus avant d'être touchée à son tour, ce qui met un de ses deux canons hors-service. Weston fait cesser le feu dans l'espoir que les chinois l'imitent, mais ces derniers s'acharnent sur le navire immobilisé qui encaisse plusieurs coups et déplore des pertes.

Pour limiter celles-ci, le lieutenant fait évacuer la plus grande partie de l'équipage avec les moyens du bord, à la nage et avec l'unique chaloupe disponible, chargée de blessés, pour rejoindre la rive opposée encore occupée par l'armée nationaliste. Les communistes ouvrent le feu sur ces hommes et beaucoups sont atteints. Les survivants sont transportés dans un hôpital nationaliste. Reste à bord, piégés, une cinquantaine d'hommes dont une douzaine blessés. Les tirs cessent, après une heure et demie de pilonnage : la frégate a encaissé au moins cinquante coups, 22 hommes sont tués et 31 blessés. Un destroyer tente de remorquer la frégate sous le feu communiste, mais doit abandonner sous les coups de canons lui causant dégâts et pertes (10 morts) car il n'est pas raisonnable de perdre un second bateau en tentant d'en secourir un autre.

Toutefois, Weston et ses hommes ne restent pas inactifs, parviennent à remettre à flot le navire le 22 avril en colmatant les trous sous la ligne de flottaison. Le Lieutenant Commander John Kerans monte à bord pour remplacer Weston, et, le 26, la coque est dégagée. La frégate est alors mise hors de portée de la batterie, mais reste piégée et assiégée. Un croiseur accompagné d'une autre frégate tentent à leur tour d'aider l'Amethyst, mais le feu nourri chinois les contraigne à renoncer, là encore avec des pertes et dégâts. Il faut dire que ces navires de haute mer sont bien plus vulnérables sur un fleuve, même large comme le Yang-Tsé.

S'en suit alors un siège de six semaines pour la frégate, sans approvisionnement. Kerans négocie avec l'armée chinoise mais devant la volonté communiste de faire reconnaître aux anglais qu'ils ont les premiers ouvert le feu, l'officier britannique refuse tout compromis. Dans l'impasse, l'équipage comprend qu'il ne devra compter que sur lui-même. Kerans décide donc de tenter de forcer le siège communiste. Le 30 juillet 1949, vers 22 heures, l’Amethyst descend le fleuve dans l'obscurité, tentant de passer inaperçu pour rejoindre la côte à 200 km de là, et ce avant l'aube car l'embouchure du fleuve est flanquée d'un fort équipé d'artillerie lourde, qui serait fatale, d'autant que la zone est jonchée d'épaves, ce qui rendrait les manœuvres d'esquives quasi impossibles. Auparavant, la frégate a été maquillée, des bâches sombres ayant été déroulées le long de la coque pour la cacher au maximum, et toute teinte claire a été barbouillée de noir.

Le hasard fait qu'un cargo chinois passe à ce moment-là. Kerans décide de prendre son sillage pour naviguer de nuit entre les bancs de sables. La ruse fonctionne un moment, mais à la hauteur d'un poste fluvial, suite à un tir de fusées éclairantes, la supercherie est sur le point d'être éventée. La frégate doit alors forcer l'allure car des coups de feu venant de la rive sont tirés et elle doit riposter. Le cargo chinois tire à son tour mais dans la confusion, ce dernier est vraisemblablement touché par des tirs amis et une épaisse fumée noire s'en échappe, faisant écran protecteur pour la frégate qui parvient à s'échapper, non sans avoir encaissé de nouveaux coups. Des réparations de fortune sont effectués sans arrêt, car le temps est compté et il ne reste que six heures de nuit. Vers 5 heures du matin, l'Amethyst est lancée à pleine vitesse à travers les projecteurs côtiers et franchit l'embouchure du fleuve pour atteindre la mer. Le destroyer qui a tenté de l'aider l'y attend et l'escorte jusqu'à Hong Kong, où elle arrive le 11 août.

Les marins rescapés de cette évasion ont défilé à Londres pour recevoir les félicitations du Roi et de la Reine d'Angleterre.

En 1988, la Chine a admit que c'étaient ses troupes qui avaient tiré les premières.

L'Amethyst, avant et après

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Un aperçu des dégâts :

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Le défilé du retour au bercail de l'équipage à Plymouth en novembre 1949

Durant le film narrant ces faits, on voit plusieurs plans d'un chat sans explications. En fait c'est une allusion à un véritable héros national (pas le chat du film, car le vrai est mort avant le tournage). Ce chat a été recueilli par l'équipage de l'Amethyst dans les docks de Hong Kong en mars 1948, qui le nomme Simon. Véritable terreur des rats des ponts inférieurs du navire, le chat devient la mascotte de la frégate. Lors de l'incident du Yang-Tsé, Simon est l'un des premiers blessés du navire. Soigné à bord, il reprend vite son activité favorite, la chasse aux rats, qui se sont incrustés durant l'échouage de l'Amethyst. Ce faisant, il participe au maintient du bon moral de l'équipage assiégé. Lorsque le navire rentre, Simon est devenu une célébrité dans les médias britanniques comme internationaux, et reçoit plusieurs décorations. Hélas il ne survivra pas très longtemps à sa célébration, car ayant contracté un virus, il décède le 28 novembre 1949. Des centaines de personnes, dont la totalité de l’équipage de l'Amethyst, assistent à ses funérailles.

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Simon the cat
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Message par pak » 12 mai 2015, 20:36

Des photos N & B...

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Le duc d’Édimbourg (à gauche) et l'amiral Arleigh Burke, chef des opérations maritimes américaines, à la première de Londres
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Message par pak » 12 mai 2015, 20:39

Des lobby cards américaines (Battle Hell est le titre américain du film) :

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Message par pak » 12 mai 2015, 20:45

Des affiches..
Française :

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Anglaises :

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Américaine :

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Couverture du dossier de presse français :

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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par U.S. Marshal Cahill » 15 mai 2015, 22:07

formidable présentation ! bravo Pak :D
CAHILL, UNITED STATES MARSHAL
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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par pak » 16 mai 2015, 12:52

Merci !

Oué, y en a au moins un qui lit ! :mrgreen:
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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par kiemavel1 » 07 juin 2015, 13:46

Au moins deux ! Ce travail de malade :shock: Bravo pak…(jamais vu pour ma part ce film d'un metteur en scène dont je ne connais qu'un film de guerre , le bon The Dam Busters (Les briseurs de barrages) qui est sorti en DVD chez nous.

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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par lerebelle » 09 juin 2015, 09:35

Au moins trois, j'ai bien apprécier l 'histoire du petit chat Simon et oui je suis un amoureux des petits chats. R :wink:



R.I.P. à ce petit amour.

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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par pak » 10 juin 2015, 17:54

Merci à vous ! Même si je me fais plaisir égoïstement à écrire ces bafouilles, c'est quand même chouette de se savoir un peu lu.

De Michael Anderson, je connais surtout sa filmo plus récente. J'ai un plaisir coupable pour son Orca, clairement monté pour surfer sur la vague des Dents de la mer, mais suis nettement moins emballé par L'âge de cristal qui plût assez pour avoir sa version série télévisuelle (qui ne tiendra pas longtemps l'antenne). Je pense par contre que son film d'horreur Dominique avec son histoire d'esprit a dû mal vieillir...

Sinon, plus anciens, Opération Crossbow n'est pas mal, et gamin j'avais adoré Le Tour du monde en 80 jours avec David Niven qui fut longtemps pour moi le Phileas Fogg idéal. Et, comme fana d'aviation, je ne peux qu'apprécier Les Briseurs de barrages.

J'espère pouvoir découvrir un jour d'autres films de ce réalisateur pas très diffusé, comme L'épopée dans l'ombre, avec James Cagney dans le milieu de l'IRA, Cargaison dangereuse avec Gary Cooper et Charlton Heston, Les Trois soldats de l'aventure (titre français tout pourri) avec Yul Brynner et Richard Widmark, Le Secret du rapport Quiller avec George Segal, Alec Guinness et Max von Sydow, et quelques autres.
Modifié en dernier par pak le 13 juin 2015, 13:12, modifié 1 fois.
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chip
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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par chip » 10 juin 2015, 18:51

Pas terrible , les "3 soldats..." j'ai le dvd. Vu les autres titres cités de Michael Anderson, c'est mieux. Une exception " le tour du monde en 80 jours", je ne me rappelle pas l'avoir vu.

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pak
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Re: Commando sur le Yang-Tsé - Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst - 1956 - Michael Anderson

Message par pak » 19 juil. 2020, 13:45

pak a écrit : 12 mai 2015, 20:29
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Simon the cat
Extension inattendue du souvenir de l'Amethyst via sa mascotte dans un ouvrage français récent paru le 02/02/2018 aux Éditions Pierre de Taillac, spécialisées dans l'histoire militaire.

Le livre se nomme La véritable histoire de Simon - Héros de la mer de Chine et s'inscrit dans une collection dite "Les animaux, héros de l'histoire".

On en saura donc plus sur, je cite, "le chat le plus célèbre de Grande-Bretagne", véritable phénomène ignoré chez nous.

Bon, le livre s'adresse aux enfants, d'ailleurs son format carré 21,5 x 21,5 cm et ses 36 pages d'illustrations accompagnées de courts textes à la première personne, le chat se racontant lui-même, ne trompent pas. C'est un peu dommage.

L'auteur est Jean-Michel Derex, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et docteur en histoire, spécialisé dans l'histoire de l'environnement et des relations de l'homme à la nature. Il s'intéresse aussi à l'histoire des hommes via ses animaux domestiques, et est l'auteur de livres comme Héros oubliés - Les Animaux dans la Grande Guerre ou Les Zoos de Paris : Histoire de la ménagerie du Jardin des Plantes, du Jardin d'acclimatation et du zoo de Vincennes.

Le livre est illustré par Clément Masson, qui a œuvré pour divers supports pour la jeunesse (livres, jeux, magazines... ).

Prix éditeur : 14,90 €.

Vues prises sur le site de l'éditeur (site ici) :

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Dans la guerre, il y a une chose attractive : c'est le défilé de la victoire. L'emmerdant c'est avant...

Michel Audiard

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