Jody et le faon - The Yearling - 1946 - Clarence Brown

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Moonfleet
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Jody et le faon - The Yearling - 1946 - Clarence Brown

Message par Moonfleet » 06 juin 2019, 17:30

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Jody et le Faon


Les Baxter vivent en Floride dans une région où il est difficile de pouvoir vivre de la terre. Un jour, le père est mordu par un serpent et pour sauver sa vie, tue un daim afin d'utiliser le coeur et le foie pour extraire le poison. Le fils de la famille Baxter, Jody, recueille le petit faon qui accompagnait sa mère et qui ne peut survivre sans elle. Bon gré malgré, les parents acceptent. Une belle amitié lie le gamin et le faon mais celui-ci grandit et menace les maigres cultures dont ils dépendent...

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Années 1870. Dans la magnifique région marécageuse des Everglades en Floride, la famille Baxter peine à subsister. Malgré la nature foisonnante environnante, Jody se sent un peu seul dans ce coin perdu, surtout que, trop couvé par sa mère qui craint de perdre encore un enfant, ses moments de liberté sont limités. Un jour, il décide pour se tenir compagnie, d’adopter un jeune faon dont lui et son père viennent de tuer la mère au cours d’une tragique partie de chasse. C’est le début d’une grande amitié entre l’enfant et l’animal mais aussi une douloureuse étape qui marquera la fin de l’enfance de Jody... Surtout connu aujourd’hui pour avoir, dans les années 20 et 30, beaucoup fait tourner Greta Garbo, Clarence Brown fut ensuite l’un des cinéastes les plus doués du cinéma familial de la MGM et il n’avait pas son pareil lorsqu’il s’agissait de dépeindre l’enfance et l’adolescence.

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Il y eut en 1944 le déjà très bon Le Grand National (National Velvet) puis en 1949, encore un beau portrait d’adolescent dans une courageuse et sobre charge antiraciste constituée par L’Intrus (Intruder in the Dust) à nouveau interprété par Claude Jarman Jr. The Yearling est un classique de la littérature enfantine signé M. K. Rawlings, dont Clarence Brown restitue l’atmosphère avec une sensibilité qui lui est propre. Il pourrait être son plus beau film et le succès fut heureusement au rendez-vous, ce qui fit enfin sortir le producteur Sidney Franklin d'un cauchemar qui dura pendant cinq ans. En effet, le tournage de cette adaptation avait débuté en 1941 sous la direction de Victor Fleming avec Spencer Tracy dans le rôle qui échut plus tard à Gregory Peck ; mais les prises de vues en Floride furent interrompues à cause des dégâts causés par une vindicative armée d'insectes et le cinéaste d'Autant en Emporte le vent préféra jeter l'éponge à cause de ses mauvais rapports avec Spencer Tracy. King Vidor s'y essaya ensuite sans plus de succès. Louis B. Mayer préféra alors laisser tout ceci en plan.

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Repris en main par Clarence Brown qui imposa un tournage en extérieurs, après avoir prouvé son savoir-faire dans le registre du film familial avec enfants et animaux (National Velvet), The Yearling bénéficia donc d'un très gros budget parfaitement bien utilisé et le résultat fut à la hauteur des espérances. La critique fut quasi unanime et les récompenses pleuvirent sur ce très beau film impressionniste sur l'amitié et l'amour filial ; mention spéciale d'interprétation pour Claude Jarman Jr, Oscars pour les trois directeurs de la photo ainsi que pour la remarquable direction artistique de Cedric Gibbons, Paul Groesse et Edwin B. Willis. Chaleureux mais jamais mièvre, plongeant souvent dans la tragédie mais non dénué d’humour, un émouvant film initiatique porté par trois acteurs formidables, le couple formé avec beaucoup de grâce par Gregory Peck et Jane Wyman, cette dernière très touchante dans un rôle assez difficile et peu gratifiant, ainsi que le talentueux enfant-acteur Claude Jarman Jr. que l’on retrouvera encore en tant que fils de John Wayne dans Rio Grande de John Ford.

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Une photographie de Charles Rosher tout simplement admirable, jouant des contre-jours avec maestria et qui pourrait être un très bon exemple de démonstration des miracles qu’Hollywood pouvait opérer avec le Technicolor ; un scénario amenant son lot de surprises à rebrousse-poil d’autres films familiaux de la MGM du genre Lassie (la mort étant omniprésente et le final étant assez éloigné de ce qu’on aurait pu attendre d'une telle production, pouvant même durablement marquer les plus jeunes) ; et une spectaculaire séquence de chasse à l'ours qui n'a peut être pas encore été égalée, hallucinante de virtuosité par son montage et ses travellings, et qui nous fait regretter que Clarence Brown n’ait pas plus souvent travaillé dans le film d’aventure d'autant plus que le réalisateur filme la nature avec un lyrisme et une inspiration peu courante dans ce registre. Tout ceci ne va pas sans quelques longueurs (le film dure plus de deux heures) et quelques fautes de goûts (notamment dans la musique, son pillage éhonté de classiques et ses envolées chorales sans finesse), mais l'ensemble demeure une bien belle réussite. Une œuvre tout en délicatesse qui devrait pouvoir plaire à toutes les tranches d’âge sans jamais avoir été dans l’obligation de racoler large pour ce faire ; une touchante histoire d’amitié jamais douceâtre ou écœurante, ce qui était loin d’être gagné d’avance !
Source : DVDclassik