L’avertissement liminaire (1) expliquant que les soi disant organisations caritatives se livrant aux trafics que l'on s’apprêtait à découvrir étaient une toute petite minorité, se voulait prudent et mesuré mais il annonçait aussi des intentions didactiques qui sont tenues. Rien à voir avec Abandoned, le film qu'allait réaliser quelques années plus tard (1949) Joseph M. Newman sur le même sujet. C'était un film supérieur du point de vue du cinéma, plus brillant en terme de mise en scène et mieux photographié mais aussi plus ouvertement choquant avec ses meurtres, ses autres séquences violentes et ses personnages bien plus spectaculairement ignobles (une cheffe de réseau distribuant des bibles pour attirer les jeunes femmes enceintes. Des assistants violents et très démonstratifs interprétés par des figures du cinéma criminel : Raymond Burr, Mike Mazurki … tous servis par les lignes percutantes et très écrites d'un des plus grands dialoguistes du genre : William Bowers.
Rien de tout cela dans Babies For Sale qui se révèle anti-spectaculaire au possible, surtout pour tout ce qui concerne l'enquête menée par l'apprenti détective -journaliste de métier- interprété de manière très cool par le quasi débutant Glenn Ford qui emploie des méthodes de gratte-papier : on fouille dans les registres d'état civil. On se fait aider par un ami policier pour analyser des empreintes … On s'accorde toutefois quelques fantaisies : par deux fois, on trompe ses interlocuteurs en utilisant de fausses identités : pour s'introduire dans la clinique douteuse et, plus tard, pour recueillir les empreintes (de pieds ) d'un bébé aux origines incertaines arrivé chez un couple fortuné. Et enfin, on piège les affreux en les mettant sur écoute.
Bref, 100 % des partisans de la peine de mort trouveront que l'on emploie des méthodes bien trop douces mais ici, même chez les méchants, la violence extériorisée n'a pas sa place. Le directeur et même son assistante sont bien aussi ignobles que leurs pendants dans le film de Newman mais ils n'en ont absolument pas l'air et les manières, employant la persuasion et exploitant la détresse des jeunes mères dans le besoin, leur réclamant de fortes sommes pour les accueillir, les incitant ainsi à se délester de leurs responsabilités parentales en abandonnant leurs enfants. En usant donc surtout de violence psychologique (même si Rochelle Hudson est un petit peu séquestrée )
Plus curieusement, ici, même les victimes ne sont pas du tout idéalisées, tels ces parents (le mari est joué par John Qualen) qui ayant adoptés un enfant « volé », retournent chez le vendeur pour demander qu'on leur reprenne car l'enfant présenterait des tares congénitales … sauf que le doc n'assure pas le SAV. Les enfants ne sont ni repris, ni échangés ! C'est d'ailleurs ce qui conduit au suicide de la mère au cours de la seule séquence choc du film de Barton : Elle se jette avec son enfant sous une rame du métro.
Je signale que l'histoire racontée ici est très vraisemblable et que des milliers d'enfants ont réellement été enlevés à leurs mères et vendus au marché noir à des familles adoptantes durant des décennies aux USA … et cela continu. Quant à la situation décrite plus haut (la tentative de se délester d'un enfant adopté s'avérant décevant), elle n'est pas rare aux usa actuellement (pour aller plus loin, liens à venir)
Il existe au moins un autre film sur le même sujet : Black Market Babies (1945) de William Beaudine (pas vu)
Charles Barton est surtout connu pour ses comédies (The Shaggy Dog, plusieurs Abbott et Costello … ) mais il a aussi réalisé quelques films criminels, surtout dans les années 30. Ce Babies for Sale ainsi que l'intéressant Smooth as Silk (1946) donnent un peu envie de s'y intéresser. Vu (à peu près ) en vost
(1) 95 % des organisations caritatives s’occupant d’enfants adoptés sont honnêtes et dignes de soutien. Ce film se veut un avertissement destiné à tous les parents et à tous ceux qui envisagent d’adopter des enfants. Il existe certaines institutions privées non surveillées où les bébés sont vendus au comptant, où les mères sans défense sont victimisées et où les adoptants peuvent se retrouver dans une situation tragique au lieu du bonheur tant espéré.